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| | Algerie turque | |
| | Auteur | Message |
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VAM. Admin
Messages : 188 Date d'inscription : 27/07/2009 Age : 35 Localisation : Mostaganem
| Sujet: Algerie turque Jeu 1 Oct - 16:24 | |
| Baba Aroudj et Zaphira Ce corsaire dirigea vers Alger 18 galères et 30 barques avec tout ce qu'il put trouver de Turcs. Les Algérois furent transportés de joie en apprenant la diligence de Barberousse et lui firent un triomphe quand il arriva dans la ville. Logé dans le palais du Prince, il fut reçu avec beaucoup d'amitié. Aroudj Barberousse avait d'autres projets que celui de fortifier la ville, il voulait en être le maître. Selim Euttemi ne fut pas long à s'apercevoir de la faute qu'il avait commise en appelant le corsaire à son aide.
AROUDJ BARBEROUSSE
Sentant son projet découvert et étant follement amoureux de la belle Zaphira, Aroudj ne vit qu'une solution, la mort de son mari, Selim Euttemi.Cela fut fait quand le Prince prit son bain. Aroudj l'étrangla avec une serviette et fit publié qu'il était mort de faiblesse.Barberousse en profita pour se faire proclamer roi d'Alger par ses soldats Turcs qui le promenèrent à cheval en grande pompe dans les rues d'Alger. Le nouveau roi, toujours amoureux, envoya cette lettre à sa désirée. " Belle Zaphira, image du soleil, plus belle par tes rares qualités que par l'éclat radieux qui environne ta personne, le plus fier et le plus heureux conquérant du monde, à qui tout cède, ne cède qu'à toi et est devenu ton esclave… Malheur à ceux qui auront l'insolence de te désobéir, qui ne ramperont pas en baisant la poussière de tes pieds … "
Zaphira resta fidèle à la mémoire de son époux. Elle répondit cependant à Aroudj par une lettre dont voici un extrait : " Seigneur, tout autre que moi, plus sensible à la gloire, à la grandeur, à la richesse qu'à la réputation qui est la véritable gloire, s'estimerait heureuse de se donner à toi… Si je me donne à toi, n'aurais-je pas raison de dire que je suis complice de ce crime et de concert nous lui avons donné la mort pour nous unir… " La réponse de Selim ne se fit pas attendre : " Incomparable Zaphira, j'ai frémi d'horreur, qu'on me soupçonnait d'être le meurtrier du Prince Selim. Dieu seul le sait que ce faux bruit t'empêche de te donner à moi, je ferai si bien que je m'en laverai, m'en dut-il coûter mon royaume… "Il fit venir son ministre, un nommé Ramadan, et ensemble convinrent d'un stratagème. Ramadan fit publier par le crieur public que le roi avait appris que le Prince Selim avait péri de mort violente et qu'il en était injustement accusé d'être l'auteur. On récompenserait les délateurs.
Il se trouva donc un homme déclarant que le Prince Selim avait eu vent du complot et que les assassins étaient au nombre de trente. Ce faux témoin reçut sa récompense en or mais on lui coupa la langue.
On fit venir devant le roi Aroudj trente prétendus complices, qui n'étaient que les plus mauvais soldats de Barberousse. Ramadan les avaient fait consentir, pour sauver l'honneur du roi, d'avouer publiquement qu'ils étaient complices. Aroudj, après interrogatoire, les fit étrangler et, pour faire bonne mesure, son fidèle ministre Ramadan subit le même sort.
Pour faire éclater davantage sa prétendue justice, il fit attacher les têtes de tous les étranglés aux murailles de son Palais et traîner leur corps hors de la ville. Dans son esprit, rien ne pouvait plus s'opposer à la conquête de la belle princesse. Dans sa lettre, il écrira : " Me voilà lavé, belle et incomparable Zaphira, du crime affreux qu'on a osé m'imputer… "
" Seigneur, mes scrupules n'ont point cessé par le trépas de ces misérables qui viennent d'expirer par tes ordres. Un songe m'est apparu sur ordre du Prophète et m'a dit que tu avais immolé des victimes innocentes… " Ainsi répondit Zaphira.
Aroudj était au bout de sa patience et voulut la posséder par violence. Assise sur un sofa, il se jeta sur elle pour s'en rendre maître. Zaphira saisit un poignard et voulut l'enfoncer dans le cœur du tyran. Celui-ci para le coup, il ne reçut qu'une blessure à son bras valide, il fut fort irrité.
Le roi d'Alger ne désarma pas et fit rentrer un garde pour désarmer la récalcitrante ; c'est alors qu'elle avala le poison qu'elle avait préparé et elle expira peu de temps après. Barberousse se vengea contre les servantes de la princesse, qu'il fit toutes étrangler. Il les fit enterrer secrètement avec leur maîtresse et fit courir le bruit qu'elles s'étaient déguisées puis évadées à son insu.Ainsi se termine cette histoire d'amour sanglante.Qu'est devenu Baba Aroudj, dit Barberousse, il fut fait prisonnier à Tlemcen puis tué en 1518 par une lance qui lui perça le cœur.Son frère KHIZR prit sa succession sur le trône d'Alger. Nommé Capitaine Pacha de la flotte turque, c'est sous son règne que les Turcs s'emparèrent de la forteresse espagnole du Penon, en 1530.Alger devint ainsi une place forte de la piraterie sous obédience turque et y restera jusqu'en 1830.
KHIRZ, le frère d'AROUDJ qui prit le Penon aux Espagnols | |
| | | VAM. Admin
Messages : 188 Date d'inscription : 27/07/2009 Age : 35 Localisation : Mostaganem
| Sujet: Re: Algerie turque Jeu 1 Oct - 16:29 | |
| Le
Le dernier roi d’Alger
.
Les hôtes de l’ancienne Sublime Porte ne se sont jamais bousculés au portillon, s’avisant d’arborer vis-à-vis d’Alger une tiédeur rare. Comparativement aux Français qui avaient occupé l’Algérie pendant 130 années, les Turcs, eux, qui y sont demeurés encore plus longtemps soit quelques 314 années, n’ont pas tenté de faire la redécouverte du pays. Quelle en est l’explication ? L’histoire du coup de l’éventail vaut-elle plus que celle de l’appel au secours à Barberousse ? Certainement les symboles ont vocation de délivrer le message qu’ils veulent signifier. A ce niveau d’analyse on peut mesurer assez la dissemblance entre les deux situations. Là, c’est un agresseur qui s’invite à l’agression et ici, c’est un agresseur qu’on invite chez soi.
Mais on se surprend à penser que tout de même la population turque contrairement à la française n’a pas gardé d’attache avec le sol national. Tiens, tiens ! Mais où sont passés ces Turcs, ou plutôt ces Kourdoughlis, issus de mariages mixtes entre Algériennes et Turcs et qui à un moment donné formaient une importante partie de la population d’Alger ? On sait que dès le débarquement de Sidi Ferruch, une forte proportion d’entre eux et même parmi la population algérienne qui servait les Turcs a fui le pays pour regagner Istanbul. Je n’ai jamais eu vent de ces Kourdoughlis « Pieds-noirs » turcs qui reviennent en Algérie. On n’a pas croisé dans nos aéroports d’émigrés algériens de Turquie. C’est fou comme le temps peut gommer d’un trait trois siècles de présence. Je n’ai jamais entendu parler ne serait-ce que d’un seul turcophone dans un pays qui compte des dizaines de milliers de francophones ! Et dire que le turc fut la langue officielle de la régence d’Alger. L’éclipse turque est vraiment surprenante. Et il faut attendre le mouvement national pour voir réapparaître dans le ciel d’Alger le croissant qui jadis l’avait illuminé. Même si celui-ci revient sous une forme laïcisée avec Kemal Atatürk, il avait incarné tout de même l’espoir pour la population algérienne colonisée. La jeunesse turque avait inspiré en son temps le mouvement des Jeunes Algériens qui avait préparé le lit du nationalisme séparatiste.
Cela étant dit, il nous faut revenir à Erdogan. Je me souviens qu’il s’était rendu à la Casbah où il a dû visiter tour à tour quelques vestiges de l’ancien Odjak : la mosquée Ketchaoua, le palais du Dey Hussein et le palais de Mustapha Pacha. Il était accompagné de M. Abdelhamid Temmar, ministre de l’Industrie et de Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture. A vrai dire, j’ai été frappé par quelque chose d’assez singulier. Je m’aperçois que Khalida Toumi porte le nom du dernier roi d’Alger, Salim Toumi, le maître de Djazaïr Bani Mezghenna. Nous voulons dire le dernier roi qui soit autochtone de ce pays.
Qu’importe que ce souverain fût roi, prince, cheikh ou maître de la cité. Ce qui est sûr, c’est qu’à l’époque l’Afrique du Nord était entrée dans une phase d’effritement généralisé. Les royaumes souvent recoupaient des réalités lilliputiennes. A l’ouest, le royaume zyanide de Tlemcen, déjà affaibli par les coups de boutoir que ne cessaient de lui asséner les Mérinides de Fès, est sérieusement ébranlé après qu’Oran eut été prise par les Espagnols. A l’est dans le Constantinois, un dissident constitue sur les décombres du royaume Hafcide de Tunis son fief qui s’étend jusqu’aux villes de Bône et de Collo. Au centre, Alger dirigé par Salim Toumi s’était constitué en principauté marchande que défendaient les taâliba, tribus installées dans la Mitidja. A Tènès Moulay Abdellah s’était proclamé roi tout en reconnaissant la souveraineté de l’Espagne. En Kabylie, alors que Bejaia était tombée entre les mains des Espagnols, la famille des Aït El Kadi et des Mokrani fondent respectivement la dynastie de Koukou et des Beni Abbas. Au sud les Ben Djellab de Touggourt règnent sur les oasis de l’Oued Righ. On est aux environs de 1516. C’est un moment charnière. Quelques années plutôt, en 1492, les Espagnols avaient achevé de reconquérir la péninsule ibérique. Entre-temps, la découverte de l’Amérique a eu pour conséquence de ruiner la route de l’or qui avait jusque-là permis aux cités du Maghreb d’entretenir le commerce avec le Soudan ou « Pays des Noirs ». La chute d’Oran et de Bejaia contraint Salim Toumi à conclure avec Ferdinand le catholique un traité par lequel il reconnaissait sa souveraineté. Les retombées de cet accord qui déplut à de nombreux Algérois sont désastreuses. Les Espagnols érigent sur l’un des îlots faisant face à la ville une forteresse, le Pegnon, d’où ils peuvent contrôler le mouvement des bateaux algérois. Perçu comme une « épine plantée dans le dos de Djazaïr », le Pegnon désormais est en passe d’asphyxier la vie économique de la cité algéroise. C’est dans ce contexte marqué par une insécurité totale que Salim Toumi va concevoir l’idée de faire appel aux frères Barberousse pour l’aider à se débarrasser des Espagnols.
S’ouvre alors une des plus obscures pages de la régence d’Alger. Car c’est d’un meurtre dont elle va retentir. La majeure proportion des histoires de rois fortunés de par le monde porte certes le sceau d’assassinats fabuleux, c’est pourquoi d’aucuns peuvent être tentés de ramener l’histoire du dernier souverain d’Alger à quelque chose qui friserait l’anecdotique. L’histoire officielle est la première à s’autoriser de tels procédés. On a déjà vu, avec la conquête musulmane de l’Afrique du Nord, comment l’historiographie officielle passera sous silence la mise à mort par la Kahina du chef arabe Okba Ibn Nafé. Salim Toumi après avoir réservé un accueil triomphal à Aroudj Barberousse, corsaire dont la notoriété en Méditerranée était solidement établie, sera exécuté quelque temps après par ce dernier. C’est ainsi que celui qui n’avait pour mission que de venir porter secours aux Bani Mezghenna devient roi d’Alger.
On connaît l’histoire qui, peut-être, n’est qu’une légende, laquelle s’était brodée autour de cette prise de pouvoir qui allait sur de longs siècles consacrer le règne des janissaires. La légende a alimenté l’imagination des romanciers car le meurtre de Salim Toumi se double - quand bien même il n’a pas eu lieu -, d’un viol fourbe sur l’épouse de la victime : Zaphira. Aroudj pour ainsi dire voulait tout : le trône et la femme. Son premier rêve fut exaucé, mais pas le second. En se donnant la mort, Zaphira témoigne sa fidélité à son mari et du coup l’établit comme le dernier roi d’Alger. C’est un moment fort, fait d’une halte qui souligne des principes et des positions. L’histoire officielle ne considère pas l’établissement ottoman en Algérie comme une occupation. Elle s’inscrit ainsi en porte-à-faux avec l’histoire occidentale qui assimile le pouvoir turc à un pouvoir étranger. Si le constat ne manque pas de pertinence néanmoins les Occidentaux y ont puisé les arguments qui leur permettent de se considérer comme les légitimes héritiers des Turcs arguant que la terre nord-africaine est une terre de passage pour toutes catégories d’envahisseurs confondues. D’ailleurs l’Espagnol Diego de Haëdo, auteur d’une « Histoire des rois d’Alger », fait débuter son récit par un chapitre sur Aroudj Barberousse dont il dressa un portrait peu amène. Il le décrit comme « le premier des Turcs qui régnèrent sur le pays et la ville d’Alger dont il s’était emparé par violence et par trahison ».
En prenant le contre-pied de l’histoire de Haëdo, l’histoire « algérienne » inverse les termes du débat. Selon elle, Barberousse n’a ni agi en usant de violence ni trahi. C’est pourquoi dans sa logique, Salim Toumi n’existe pas tout autant que son assassinat. A propos, voici ce que dit le même auteur espagnol : Salim Toumi « en particulier, ne pouvait supporter le dédain d’Aroudj, ni l’arrogance avec laquelle celui-ci le traitait publiquement dans son propre palais. Il se méfiait déjà de ce qu’il lui arriva quelques jours après ; car Barberousse, qui pensait nuit et jour à s’emparer de la ville, s’était enfin résolu, au mépris des lois de l’hospitalité, à tuer traîtreusement le cheikh de ses propres mains et à se faire reconnaître roi par force et à main armée. Afin d’accomplir son dessein sans bruit et à l’insu de tous, il choisit l’heure du midi où Salim Toumi était entré dans son bain pour y faire ses ablutions en récitant la salat, prière de cette heure (…) il entra dans le bain sans être vu, car il logeait, comme nous l’avons dit, dans le palais même. Il y trouva le prince seul et nu, et à l’aide d’un Turc qu’il avait amené avec lui, il l’étrangla et le laissa étendu sur le sol ».
Evidemment Barberousse a réussi à chasser les Espagnols du Pegnon avant de jeter les bases de la régence turque d’Alger. Le fait n’a été rendu possible cependant que grâce à l’alliance contractée avec Istanbul. Salim Toumi disparaît faute d’avoir eu le temps de consolider son Etat. Du coup, l’histoire officielle ne lui réserve que peu de place et curieusement c’est le seul point sur lequel l’histoire européenne et l’histoire officielle semblent s’accorder. Trois siècles plus tard, la Régence d’Alger s’écroule sous les assauts des troupes du Général de Bourmont presque dans les mêmes conditions qui ont vu la disparition du petit royaume de Salim Toumi. Ce n’est que récemment que des historiens ont commencé à plancher plus sérieusement sur la situation ayant prévalu dans la région algéroise à la veille de l’arrivée des corsaires turcs. Ainsi, il y apparaît de plus en plus que les tribus taâliba de la Mitidja dont est issu Salim Toumi sont à l’origine de l’émergence de la ville d’Alger, c’est sous leur règne qu’elle avait pu s’extraire du tiraillement qui l’avait inscrite longtemps dans un rapport de vassalité tantôt avec les pouvoirs de Fès, de Tunis et de Tlemcen.
L’obstination dont l’histoire officielle a fait montre en remontant aussi loin que possible le temps pour aller exhumer des abysses du lointain passé les premiers rois nationaux, ne nous a pas fait entrevoir que les derniers peuvent s’avérer les plus intéressants. A condition de ne pas se laisser prendre par des lectures orientées comme celles inspirées par l’idéologie nationaliste, il faut bien avoir de la sympathie pour cet anti-héros pris dans le tourbillon d’un pays en proie à la fragmentation politique, mais qui en dépit de tout était aimé par son peuple, vénéré par sa femme. Salim Toumi était imprégné des valeurs de son époque, il était trop humain comme dirait Nietzsche, donc sincère, et avait cru tout aussi sincèrement pouvoir sauver son pays en s’attachant les services d’un homme, fût-il étranger. dernier roi d’Alger
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Les hôtes de l’ancienne Sublime Porte ne se sont jamais bousculés au portillon, s’avisant d’arborer vis-à-vis d’Alger une tiédeur rare. Comparativement aux Français qui avaient occupé l’Algérie pendant 130 années, les Turcs, eux, qui y sont demeurés encore plus longtemps soit quelques 314 années, n’ont pas tenté de faire la redécouverte du pays. Quelle en est l’explication ? L’histoire du coup de l’éventail vaut-elle plus que celle de l’appel au secours à Barberousse ? Certainement les symboles ont vocation de délivrer le message qu’ils veulent signifier. A ce niveau d’analyse on peut mesurer assez la dissemblance entre les deux situations. Là, c’est un agresseur qui s’invite à l’agression et ici, c’est un agresseur qu’on invite chez soi.
Mais on se surprend à penser que tout de même la population turque contrairement à la française n’a pas gardé d’attache avec le sol national. Tiens, tiens ! Mais où sont passés ces Turcs, ou plutôt ces Kourdoughlis, issus de mariages mixtes entre Algériennes et Turcs et qui à un moment donné formaient une importante partie de la population d’Alger ? On sait que dès le débarquement de Sidi Ferruch, une forte proportion d’entre eux et même parmi la population algérienne qui servait les Turcs a fui le pays pour regagner Istanbul. Je n’ai jamais eu vent de ces Kourdoughlis « Pieds-noirs » turcs qui reviennent en Algérie. On n’a pas croisé dans nos aéroports d’émigrés algériens de Turquie. C’est fou comme le temps peut gommer d’un trait trois siècles de présence. Je n’ai jamais entendu parler ne serait-ce que d’un seul turcophone dans un pays qui compte des dizaines de milliers de francophones ! Et dire que le turc fut la langue officielle de la régence d’Alger. L’éclipse turque est vraiment surprenante. Et il faut attendre le mouvement national pour voir réapparaître dans le ciel d’Alger le croissant qui jadis l’avait illuminé. Même si celui-ci revient sous une forme laïcisée avec Kemal Atatürk, il avait incarné tout de même l’espoir pour la population algérienne colonisée. La jeunesse turque avait inspiré en son temps le mouvement des Jeunes Algériens qui avait préparé le lit du nationalisme séparatiste.
Cela étant dit, il nous faut revenir à Erdogan. Je me souviens qu’il s’était rendu à la Casbah où il a dû visiter tour à tour quelques vestiges de l’ancien Odjak : la mosquée Ketchaoua, le palais du Dey Hussein et le palais de Mustapha Pacha. Il était accompagné de M. Abdelhamid Temmar, ministre de l’Industrie et de Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture. A vrai dire, j’ai été frappé par quelque chose d’assez singulier. Je m’aperçois que Khalida Toumi porte le nom du dernier roi d’Alger, Salim Toumi, le maître de Djazaïr Bani Mezghenna. Nous voulons dire le dernier roi qui soit autochtone de ce pays.
Qu’importe que ce souverain fût roi, prince, cheikh ou maître de la cité. Ce qui est sûr, c’est qu’à l’époque l’Afrique du Nord était entrée dans une phase d’effritement généralisé. Les royaumes souvent recoupaient des réalités lilliputiennes. A l’ouest, le royaume zyanide de Tlemcen, déjà affaibli par les coups de boutoir que ne cessaient de lui asséner les Mérinides de Fès, est sérieusement ébranlé après qu’Oran eut été prise par les Espagnols. A l’est dans le Constantinois, un dissident constitue sur les décombres du royaume Hafcide de Tunis son fief qui s’étend jusqu’aux villes de Bône et de Collo. Au centre, Alger dirigé par Salim Toumi s’était constitué en principauté marchande que défendaient les taâliba, tribus installées dans la Mitidja. A Tènès Moulay Abdellah s’était proclamé roi tout en reconnaissant la souveraineté de l’Espagne. En Kabylie, alors que Bejaia était tombée entre les mains des Espagnols, la famille des Aït El Kadi et des Mokrani fondent respectivement la dynastie de Koukou et des Beni Abbas. Au sud les Ben Djellab de Touggourt règnent sur les oasis de l’Oued Righ. On est aux environs de 1516. C’est un moment charnière. Quelques années plutôt, en 1492, les Espagnols avaient achevé de reconquérir la péninsule ibérique. Entre-temps, la découverte de l’Amérique a eu pour conséquence de ruiner la route de l’or qui avait jusque-là permis aux cités du Maghreb d’entretenir le commerce avec le Soudan ou « Pays des Noirs ». La chute d’Oran et de Bejaia contraint Salim Toumi à conclure avec Ferdinand le catholique un traité par lequel il reconnaissait sa souveraineté. Les retombées de cet accord qui déplut à de nombreux Algérois sont désastreuses. Les Espagnols érigent sur l’un des îlots faisant face à la ville une forteresse, le Pegnon, d’où ils peuvent contrôler le mouvement des bateaux algérois. Perçu comme une « épine plantée dans le dos de Djazaïr », le Pegnon désormais est en passe d’asphyxier la vie économique de la cité algéroise. C’est dans ce contexte marqué par une insécurité totale que Salim Toumi va concevoir l’idée de faire appel aux frères Barberousse pour l’aider à se débarrasser des Espagnols.
S’ouvre alors une des plus obscures pages de la régence d’Alger. Car c’est d’un meurtre dont elle va retentir. La majeure proportion des histoires de rois fortunés de par le monde porte certes le sceau d’assassinats fabuleux, c’est pourquoi d’aucuns peuvent être tentés de ramener l’histoire du dernier souverain d’Alger à quelque chose qui friserait l’anecdotique. L’histoire officielle est la première à s’autoriser de tels procédés. On a déjà vu, avec la conquête musulmane de l’Afrique du Nord, comment l’historiographie officielle passera sous silence la mise à mort par la Kahina du chef arabe Okba Ibn Nafé. Salim Toumi après avoir réservé un accueil triomphal à Aroudj Barberousse, corsaire dont la notoriété en Méditerranée était solidement établie, sera exécuté quelque temps après par ce dernier. C’est ainsi que celui qui n’avait pour mission que de venir porter secours aux Bani Mezghenna devient roi d’Alger.
On connaît l’histoire qui, peut-être, n’est qu’une légende, laquelle s’était brodée autour de cette prise de pouvoir qui allait sur de longs siècles consacrer le règne des janissaires. La légende a alimenté l’imagination des romanciers car le meurtre de Salim Toumi se double - quand bien même il n’a pas eu lieu -, d’un viol fourbe sur l’épouse de la victime : Zaphira. Aroudj pour ainsi dire voulait tout : le trône et la femme. Son premier rêve fut exaucé, mais pas le second. En se donnant la mort, Zaphira témoigne sa fidélité à son mari et du coup l’établit comme le dernier roi d’Alger. C’est un moment fort, fait d’une halte qui souligne des principes et des positions. L’histoire officielle ne considère pas l’établissement ottoman en Algérie comme une occupation. Elle s’inscrit ainsi en porte-à-faux avec l’histoire occidentale qui assimile le pouvoir turc à un pouvoir étranger. Si le constat ne manque pas de pertinence néanmoins les Occidentaux y ont puisé les arguments qui leur permettent de se considérer comme les légitimes héritiers des Turcs arguant que la terre nord-africaine est une terre de passage pour toutes catégories d’envahisseurs confondues. D’ailleurs l’Espagnol Diego de Haëdo, auteur d’une « Histoire des rois d’Alger », fait débuter son récit par un chapitre sur Aroudj Barberousse dont il dressa un portrait peu amène. Il le décrit comme « le premier des Turcs qui régnèrent sur le pays et la ville d’Alger dont il s’était emparé par violence et par trahison ».
En prenant le contre-pied de l’histoire de Haëdo, l’histoire « algérienne » inverse les termes du débat. Selon elle, Barberousse n’a ni agi en usant de violence ni trahi. C’est pourquoi dans sa logique, Salim Toumi n’existe pas tout autant que son assassinat. A propos, voici ce que dit le même auteur espagnol : Salim Toumi « en particulier, ne pouvait supporter le dédain d’Aroudj, ni l’arrogance avec laquelle celui-ci le traitait publiquement dans son propre palais. Il se méfiait déjà de ce qu’il lui arriva quelques jours après ; car Barberousse, qui pensait nuit et jour à s’emparer de la ville, s’était enfin résolu, au mépris des lois de l’hospitalité, à tuer traîtreusement le cheikh de ses propres mains et à se faire reconnaître roi par force et à main armée. Afin d’accomplir son dessein sans bruit et à l’insu de tous, il choisit l’heure du midi où Salim Toumi était entré dans son bain pour y faire ses ablutions en récitant la salat, prière de cette heure (…) il entra dans le bain sans être vu, car il logeait, comme nous l’avons dit, dans le palais même. Il y trouva le prince seul et nu, et à l’aide d’un Turc qu’il avait amené avec lui, il l’étrangla et le laissa étendu sur le sol ».
Evidemment Barberousse a réussi à chasser les Espagnols du Pegnon avant de jeter les bases de la régence turque d’Alger. Le fait n’a été rendu possible cependant que grâce à l’alliance contractée avec Istanbul. Salim Toumi disparaît faute d’avoir eu le temps de consolider son Etat. Du coup, l’histoire officielle ne lui réserve que peu de place et curieusement c’est le seul point sur lequel l’histoire européenne et l’histoire officielle semblent s’accorder. Trois siècles plus tard, la Régence d’Alger s’écroule sous les assauts des troupes du Général de Bourmont presque dans les mêmes conditions qui ont vu la disparition du petit royaume de Salim Toumi. Ce n’est que récemment que des historiens ont commencé à plancher plus sérieusement sur la situation ayant prévalu dans la région algéroise à la veille de l’arrivée des corsaires turcs. Ainsi, il y apparaît de plus en plus que les tribus taâliba de la Mitidja dont est issu Salim Toumi sont à l’origine de l’émergence de la ville d’Alger, c’est sous leur règne qu’elle avait pu s’extraire du tiraillement qui l’avait inscrite longtemps dans un rapport de vassalité tantôt avec les pouvoirs de Fès, de Tunis et de Tlemcen.
L’obstination dont l’histoire officielle a fait montre en remontant aussi loin que possible le temps pour aller exhumer des abysses du lointain passé les premiers rois nationaux, ne nous a pas fait entrevoir que les derniers peuvent s’avérer les plus intéressants. A condition de ne pas se laisser prendre par des lectures orientées comme celles inspirées par l’idéologie nationaliste, il faut bien avoir de la sympathie pour cet anti-héros pris dans le tourbillon d’un pays en proie à la fragmentation politique, mais qui en dépit de tout était aimé par son peuple, vénéré par sa femme. Salim Toumi était imprégné des valeurs de son époque, il était trop humain comme dirait Nietzsche, donc sincère, et avait cru tout aussi sincèrement pouvoir sauver son pays en s’attachant les services d’un homme, fût-il étranger.
Dernière édition par VAM. le Jeu 1 Oct - 16:37, édité 2 fois | |
| | | VAM. Admin
Messages : 188 Date d'inscription : 27/07/2009 Age : 35 Localisation : Mostaganem
| Sujet: Re: Algerie turque Jeu 1 Oct - 16:30 | |
| FONDATION DE LA RÉGENCE D’ALGER 3 . Dans les premiers temps les Pachas, choisis avec grand soin par le Sultan parmi les marins les meilleurs et les plus renommés, exercèrent sur cette bande indisciplinée de soldats une autorité dominante. Mais après la bataille de Lépante, la Turquie, absorbée par des intérêts plus pressants, n’apporta plus les mêmes scrupules dans le choix des Gouverneurs d’Alger. Le pouvoir passa bientôt entre les mains de fonctionnaires avides, dont le principal souci fut d’amasser des richesses pour aller finir leurs jours sur les rives tranquilles du Bosphore. Aussi qu’arriva-t-il ? La Milice, accoutumée d’abord à obéir à des chefs respectés par elle, ne tarda pas à donner libre cours à son esprit d’indépendance. Elle méprisa bientôt ceux qui devaient donner l’exemple, et, après avoir protesté contre une corruption scandaleuse, elle s’empressa de l’imiter. Cet état de choses dura jusqu’en 1659. Pendant cette première période, assez paisible en comparaison de celles qui la suivirent, 45 Pachas se succédèrent à Alger. Un Boulouk-Bachi, Kalil, s’étant mis à la tête des mécontents, vint proposer alors aux Janissaires la déchéance des Pachas, et l’établissement d’un Conseil présidé par leur Agha, sorte de Directoire chargé de surveiller les intérêts de la Régence. Il maintenait à Alger le représentant de la Porte, par déférence pour la suzeraineté ottomane, mais réduisait ses fonctions à celle d’un Pacha honoraire. Il lui gardait son titre, une solde de 4 000 pataques tous les deux mois, le logement et les esclaves, mais il lui interdisait de s’immiscer désormais dans les affaires de l’État. Quand ce projet fut présenté au Grand Seigneur, celui-ci comprit trop tard pourquoi ses envoyés n’avaient pu maîtriser les écarts de leur indocile cohorte. Si son autorité temporelle était en partie méconnue par ses vassaux, et s’il n’était point en mesure de leur imposer sa loi, il se voyait obligé de satisfaire à leurs désirs, « dans la crainte de les aigrir et de les divertir entièrement de son obéissance ». La seule mesure qu’il pouvait prendre était de se décharger du soin de contribuer à la solde de la Milice, vengeance dont les chrétiens devaient seuls avoir à souffrir. 5 Aghas se succédèrent dans l’espace de 12 années, et tous périrent assassinés par la main d’un Janissaire. En 1671, la Milice voulut encore changer la forme du Gouvernement. Elle supprima le Conseil des Aghas, emprunta à Tunis l’institution d’un Dey nommé à l’élection, et investit ce nouveau Chef de l’autorité suprême. Le Pacha fut maintenu dans son humiliante sinécure ; en fait la dictature ne fi t que changer de nom, et le pouvoir ne fut ni plus modéré ni plus stable. En effet, une pareille réforme eut une conséquence des plus graves : elle admit la candidature au trône de tout membre de l’Odjak, sans distinction de grade. Libre de choisir son maître, la Milice abusa de sa liberté en perpétuant l’anarchie, et pendant les 30 ans que dura ce régime, les 42 Deys successivement portés en triomphé à la Jenina furent massacrés pour la plupart. Du fond de leur palais les Pachas, dénués de tout prestige, n’avaient pas tardé à se consoler de leur disgrâce en entravant le pouvoir existant. Ils avaient habilement tenté de ressaisir quelque parcelle de leur autorité perdue, et ils étaient parvenus à intriguer dans l’ombre, à susciter des confl its, à fomenter des séditions pour renverser les Deys impopulaires. Il fallait d’ailleurs peu d’efforts pour décider les Janissaires à briser sans pitié les idoles édifiées par eux. Aussi, lorsqu’en 1710 Ali monta sur le trône, résolut-il de supprimer un rouage de Gouvernement aussi dangereux qu’inutile. Il fi t embarquer de force le Pacha qui lui portait ombrage, et le menaça de mort s’il revenait à Alger. Comme il fallait toutefois ménager le Grand Seigneur, il fit partir en même temps des ambassadeurs chargés d’exposer ses griefs auprès de Sa Hautesse. Ces envoyés représentèrent que les Pachas avaient dilapidé les revenus publics ; ils montrèrent les Arabes et les chrétiens coalisés par eux, et les Chefs de la Régence mis dans l’impossibilité d’exercer longtemps leur mandat ; ils distribuèrent à propos des présents, et finirent par déclarer que, pour conjurer le danger qui menaçait l’islamisme sur les côtes de Barbarie, il était nécessaire de donner à leur maître l’investiture du Pachalik. Ahmed III, qui régnait alors, ne se faisait pas d’illusions sur les aspirations de son vassal. Incapable de punir la rébellion des Algériens, il ne put, que la sanctionner, et depuis lors les Deys d’Alger ne furent plus redevables à la Porte ottomane que d’un hommage hypocrite et de cadeaux sans importance. On conçoit qu’une telle concession ne pouvait que fortifier l’indépendance de leur pouvoir ; elle ne les préserva pas davantage de l’insubordination de leurs sujets. Pendant cette dernière période, qui prit fin en 1830, les Deys-Pachas se succédèrent au nombre de 17, et 9 d’entre eux furent massacrés. Plusieurs fois la Porte, harcelée par les réclamations des grandes Puissances, essaya de replacer les Deys sous l’obéissance des Pachas ; plusieurs fois elle fi t partir pour Alger des Capidjis et des Chaoux, chargés de signifier ses ordres et de faire acte de suzeraineté. Mais jamais mission plus ingrate n’incomba aux députés de Sa Hautesse. Ils risquaient fort d’être chargés de chaînes, ou de voir leur navire bombardé en entrant dans la rade.
— « Nous sommes les maîtres chez nous, disaient les Algériens, et nous n’avons d’ordre à recevoir de personne. Que le Sultan se mêle de ses affaires ! » — De fait le Divan ne s’inquiéta jamais de savoir si ses voeux étaient conformes aux Capitulations. S’il assista la Turquie dans sa lutte contre Charles-Quint, à la bataille, de Lépante, au siège de Malte, il ne songea qu’à combattre les ennemis communs de l’islamisme, et persista à s’affranchir de la suprématie politique des Ottomans. Veut-on savoir d’une façon plus précise quelle était la situation faite aux Deys par la révolution de 1710 ? Elle était en vérité fort peu enviable. Il n’y avait pas au monde de monarques plus absolus, mieux obéis qu’eux, mais le plus humble Janissaire tenait leur vie entre ses mains. C’est par l’assassinat que la Milice avait l’habitude de préluder à ses révoltes et de sanctionner ses caprices. Aussi, pour rester sur leur trône, les Illustres Seigneurs d’Alger passaient leur temps à méditer des vengeances ou à déjouer des complots ; s’ils mouraient de mort naturelle, ils étaient considérés comme des protégés du Prophète. Assis dans leur Divan à la manière des Turcs, ayant sous leurs coussins une peau de lion ou de tigre pour symboliser à la fois la force et la cruauté, ils faisaient tout trembler, mais ils tremblaient à leur tour, car une heure de retard apportée au payement de la solde d’un ioldach pouvait les faire étrangler. La haine du nom chrétien, l’exploitation des étrangers toujours taillables et corvéables, leur donnaient parfois l’espérance d’être craints sans être haïs. Peu jaloux de leur parole, avec quel art ils savaient nier le lendemain ce qu’ils avaient juré la veille sur la tête du Grand Seigneur ! — «Je suis, disait Ali à l’un de nos agents, le chef d’une bande de voleurs, dont le métier est de prendre et non de rendre. » — Ne leur fallait-il pas, du reste, suppléer par mille subterfuges à l’absence d’une liste civile? La fortune se plaisait parfois à tirer de l’obscurité les êtres les plus vils pour les élever sur le trône, témoin ce pauvre cordonnier occupé à faire des babouches sur le seuil de son échoppe, quand des soldats enivrés qui parcouraient la ville le chargèrent sur leurs épaules pour mettre entre ses mains, bon gré mal gré, les rênes du Gouvernement. Un grand nombre d’entre eux ne savaient ni lire ni écrire, mais l’usage officiel du sceau leur ôtait un souci de plus ; serviteurs des Janissaires, ils l’étaient encore des Drogmans. Tels étaient ces Souverains d’Alger, riches sans être maîtres de leurs trésors, rois d’esclaves, esclaves eux-mêmes. Aucun historien n’a pu, jusqu’à ce jour, évaluer le nombre des victimes de « la ville forte et bien gardée », de cette Al-djazaïr exécrée et maudite dont les Turcs étaient si fiers. Mais il n’a pas manqué de captifs et de voyageurs pour la décrire, et nous donner une juste idée de l’état de prospérité auquel elle était parvenue à la fi n du XVIe siècle. Ils l’ont montrée bâtie, comme aujourd’hui, sur le penchant d’une colline, formant jusqu’à la mer un superbe amphithéâtre, avec ses remparts de 40 pieds de haut, flanqués de tours crénelées ; ses murs formant une enceinte de près de 50 hectares ; ses 6 portes bardées de fer, irrévocablement fermées au coucher du soleil ; ses 9 casernes de Janissaires; ses 100 mosquées ; ses 125 fontaines ; ses tavernes tenant lieu d’hôtelleries ; ses 15 000 maisons blanches, avec leurs toits en terrasse, du haut desquelles les habitants aimaient à contempler à l’aise l’étendue de leur domaine maritime ; le palais de la Jenina, resserré, sans défenses, au milieu de la ville, avec ses belles galeries superposées, décorées de mosaïques et de faïences aux mille couleurs, et soutenues par des colonnes de marbre ; son Badistan ; ses bagnes où les esclaves étaient entassés pêle-mêle; enfi n le Fort l’Empereur, bâti par Charles-Quint.
Marmol, Gramaye, Haëdo, le P. Dan, de Brèves, d’Arvieux, Dapper, Shaw, Peyssonnel, Poiret, Lucas, d’Aranda, les PP. Rédemptoristes de la Trinité et de la Mercy ont parlé tour à tour de cette population bizarre de Berbères, de Kabyles, de Maures, d’Arabes, de Turcs, de renégats, dont le nombre variait de 100 000 à 150 000 âmes, et qui comptait en outre 10 000 Juifs, qui n’étaient pas mieux traités qu’en pays de chrétienté. Ils ont dépeint ces murailles garnies d’hameçons de fer pour y suspendre les condamnés à mort, et ce môle avançant dans la mer à une distance de 300 mètres, derrière lequel venaient s’abriter les vaisseaux turcs et étrangers. C’est dans ce nid de vautours que, malgré les efforts de toutes les nations chrétiennes, les Algériens braveront si longtemps les grandes Puissances. | |
| | | VAM. Admin
Messages : 188 Date d'inscription : 27/07/2009 Age : 35 Localisation : Mostaganem
| Sujet: Re: Algerie turque Jeu 1 Oct - 16:31 | |
| FONDATION DE LA RÉGENCE D’ALGER 2 . Au commencement du XVIe siècle, on ne parlait qu’avec terreur, dans toute la Méditerranée, des quatre corsaires Barberousse;nés dans l’île de Lesbos, à Mitylène, aussi fameux par leur fortune que par leur intrépidité. Aroudj, leur frère aîné, portait l’alarme et l’épouvante, avec sa flotte de douze galères, sur toute la côte africaine, et venait de s’emparer du territoire de Jijelli lorsque, dans le courant de l’année 1515, les habitants d’Alger l’appelèrent à leur secours. Sans perdre un seul instant il arrive dans leur ville, amenant avec lui 500 Turcs et 3 000 Kabyles. Il gagne la faveur populaire, fait taire les mécontents, traite en maitre ses hôtes et usurpe en quelques jours, avec une habileté consommée, toutes les attributions du pouvoir souverain. Il se fait à la fois aimer et redouter de tous, en ayant soin de déployer contre les ennemis de l’islamisme une activité sans mesure. Puis, après avoir distribué les emplois importants à ses meilleurs compagnons d’armes, il fait massacrer en secret le chef indigène, son rival, et se proclame Roi d’Alger. Il n’aura plus qu’à ramasser dans le sang l’apanage des Suffètes carthaginois, des Proconsuls romains, des Rois vandales, des Comtes de l’Empire grec, des Kalifes de l’islam, des dynasties berbères, pour y bâtir sa demeure et façonner à sa guise l’oeuvre commencée. Pour constituer son nouveau pouvoir, il empruntera les principes de la République militaire des chevaliers de Rhodes ; il se montrera tour à tour sévère ou libéral, impitoyable ou miséricordieux, suivant les besoins du moment. Il réglera avec soin les détails de son administration, la perception des impôts, la défense de sa Principauté ; il soumettra les Arabes du dehors, étendra sa conquête jusqu’aux régions tunisiennes, attaquera avec succès Tlemcen et Cherchell.
S’il meurt, trop tôt frappé dans un combat contre les Espagnols, la République d’Alger n’en sera pas moins fondée. L’un de ses frères, Keir-ed-din, prendra sans difficulté les rênes du gouvernement, et consolidera les bases d’un édifice qui pourra résister pendant plus de trois siècles aux attaques de la chrétienté. Avec un sens politique peu commun à son époque, le second des Barberousse suivra la tradition du premier Roi d’Alger. De corsaire, il se fera conquérant à son tour, et rêvera de tenir sous sa main chacune des contrées africaines que baigne la Méditerranée, en assurant sur toutes les côtes la suprématie de l’islam.
Pour un si grand dessein, l’appui du Grand Seigneur ne pourra lui manquer. Aussi fera-t-il partir pour Constantinople des Envoyés chargés d’offrir à Soliman la souveraineté de son petit royaume. Il se déclarera son vassal, lui jurera obéissance, lui demandera sa protection et les secours nécessaires pour se maintenir au pouvoir.Le Sultan n’hésitera pas à agréer son hommage, à lui donner l’investiture avec le titre de Beglierbey, et il lui enverra 2 000 Janissaires turcs afin de tenir en respect les Arabes, et d’assurer à son pouvoir naissant une sécurité suffisante. Fort d’un pareil appui, Keir-eddin pourra chasser les Espagnols de ce fameux Peiñon d’Alger, pour parler comme les chroniques, de cet îlot fortifié qui dominait encore insolemment la ville et la menaçait tous les jours. Il sera seul maître chez lui, agrandira son territoire, ouvrira son port aux pirates qui viendront y chercher asile. Il inaugurera enfi n cette longue série de Souverains indignes de lui qui, de 1517 jusqu’à 1830, n’ont guère laissé à la postérité que le souvenir d’aventuriers avides ou de despotes inhumains.
Où donc cette Puissance nouvelle a-t-elle puisé sa force, et quels sont les principes sur lesquels se sont appuyés ses deux habiles fondateurs ? Il importe de montrer sous son vrai jour l’organisation de cette société de corsaires. Rien n’est plus curieux d’ailleurs que l’oligarchie militaire sur laquelle sa constitution était fondée.
Aux 2 000 Janissaires envoyés par le Grand Seigneur aux Barberousse pour conserver leur pouvoir, était venue bientôt se joindre une troupe de 1 000 volontaires, attirés par l’attrait de gains faciles. Ces 6 000 Turcs formèrent le corps de la Milice, et devinrent ce fier Odjak-qui put exploiter sans merci, jusqu’au dernier jour, les Arabes, les Juifs, les Maures chassés d’Espagne qui habitaient à Alger. Ils se considérèrent comme en pays conquis, apportant dans cette contrée où tout était nouveau pour eux des usages dont l’intolérance égalait la barbarie. On ne comptait dans leurs rangs que proscrits et renégats, pirates de toutes les nations et criminels échappés de tous les bagnes, mendiants des villes et vagabonds des campagnes, la lie des populations et le rebut de tous les ports de la Turquie. Ce sont ces gens grossiers et arrogants, sans patrie comme sans foyers, voleurs de grand chemin, perdus de réputation et de dettes, qui formeront en peu d’années cette société de 10 000 Janissaires que personne ne pourra braver. Leur seule préoccupation sera d’avoir les moyens de s’enrichir les plus expéditifs en même temps que les plus violents seront pour eux les meilleurs.
Au bas de l’échelle sociale est l’ioldach ou simple soldat. Puis, en suivant la hiérarchie des grades :
Le Chaoux, sergent ; L’Oukilhardji, intendant ; L’Oda-Bachi, lieutenant ; Le Boulouk-Bachi, capitaine ; L’Agha-Bachi, commandant ; Le Kiaya, colonel ; L’Agha, général en chef.
Les Janissaires composant l’invincible Milice d’Alger sont tous égaux entre eux, quelle que soit leur situation ; l’avancement n’a jamais lieu qu’à l’ancienneté, et le dernier ioldach peut arriver à son tour à occuper le plus haut grade. En effet, l’Agha ne reste en charge que pendant l’espace de deux lunes, après quoi il devient membre du Divan et le Kiaya lui succède. Quant à leur hiérarchie, elle se distingue extérieurement par des ornements de costume qu’il serait plus aisé de dessiner que de décrire. Seuls ils peuvent occuper tous tes emplois publics ; leurs fils, les Colouglis, aussi bien que les Arabes, en sont rigoureusement exclus, de peur qu’ils ne s’entendent avec les indigènes pour se soustraire à leur autorité. L’État leur donne quatre pains par jour, les loge dans ses casernes pourvu qu’ils ne soient pas mariés, car on a soin d’éviter les alliances avec les naturels de la contrée ; enfin chacun d’eux est libre d’exercer le métier qu’il veut dans le domaine qui lui est assignée. Ils sont encore exempts de toute taxe et de tout impôt, et jouissent d’une foule de privilèges. La solde varie de 15 à 160 saïmes toutes les deux lunes ; elle est la même pour tous les Janissaires, pour les hauts fonctionnaires comme pour les simples soldats. Il est vrai d’ajouter qu’ils vivent sur l’indigène, et bien hardi serait celui qui oserait refuser quelque chose à l’illustre et magnifique Seigneur. C’est le titre dont se parera la jeune recrue, désignée par ses camarades du sobriquet de Boeuf d’Anatolie, le lendemain du jour où elle aura tatoué sur sa main gauche le numéro de sa chambrée. Unis par la solidarité des intérêts et par la communauté des périls, ils seront à ce point mercenaires qu’ils ne verront dans une révolution que l’occasion de recevoir des gratifications nouvelles. Ils se montreront d’ailleurs aussi prompts à obéir à un chef disposé à les ménager qu’impitoyables pour faire égorger celui qui tentera de s’affranchir de leur joug.
Quant au Gouvernement proprement dit, il est représenté par le Pacha, nommé tous les trois ans par la Porte ottomane, et assisté d’un Conseil composé de quatre Secrétaires d’État :
Le Vekilhardji, Ministre de la marine, chargé des munitions de guerre et des travaux de l’arsenal ; Le Kaznadji, Grand Trésorier de la Régence, chargé de l’encaissement des produits de l’État et du payement des dépenses ; Le Khodja-el-Keil, Administrateur des domaines ; L’Agha, Commandant général de la Milice.
Le Divan, où se traitent les affaires importantes, se compose de ces personnages, des Janissaires, vétérans et des représentants de la religion musulmane. Il se réunit quatre fois par semaine dans la Mehakema, où se trouvent à la fois le trône du Pacha, le Trésor et les registres du Gouvernement. Chacun de ses membres y opine à haute voix, et les graves résolutions y sont prises, presque toujours, au milieu d’un tumulte effroyable.
Les autres fonctionnaires de la Régence sont :
Le Khodja-el-Esseur, secrétaire particulier du Pacha ; L’Agha des spahis, commandant de la cavalerie ; Le Khodja-di-Cavallos, directeur des haras ; Le Beit-el-madji, chargé de la liquidation des successions vacantes, du service des inhumations et de l’entretien des cimetières; Le Capitan-reïs, amiral et commandant supérieur de la marine; Le Kikhia du Kaznadji, chargé de la haute surveillance de la police ; Le Bach-Topji, commandant de l’artillerie ; Le Bach-Boumbadji, chef du service des bombardiers ; Le Khodja-merhezen-ezzera, secrétaire des magasins aux grains ; Les Saidji, caissiers relevant du Kaznadji ; Le Khodja-el-aïoun, directeur du service des eaux ; L’Aminesseka, directeur de la monnaie ; Les 12 Chaoux, messagers de l’État ; Le Gardian-Bachi, surveillant des bagnes ; Le Khodja-el-melh, directeur du monopole du sel ; Le Khodja-el-djeld, directeur du monopole des peaux ; Le Khodja-el-goumerek, receveur de la douane ; Le Khodja-el-ouzân, directeur du poids public ; Le Khodja-el-ghenaïm, administrateur des prises ; Le Khodja-el-feham, percepteur de l’octroi, préposé au marché au charbon ; Le Khodja-el-Ettout, percepteur de l’impôt des mûriers ; Le Bach-Khodja, doyen du corps des Khodjas ; Le Caïd-el-mersa, capitaine du port ; L’Ourdian-Bachi, inspecteur du port ; Le Mezouar, chargé de la police, agent des moeurs et percepteur de l’impôt sur les femmes de mauvaise vie ; Le Caïd-el-fahss, préposé à la police de la banlieue ; Le Caïd-el-abid, chargé de surveiller les nègres libres ou affranchis ; Le Caïd-el-zebel, inspecteur de la salubrité publique ; Le Caïd-echouara, ingénieur des égouts et du pavage de la ville ; Le Mohtasseb, inspecteur et collecteur des marchés ; Le Cheïk-el-beled, inspecteur et collecteur des corporations mercantiles ; Le Berrah, crieur public ; Le Muezzin, crieur des mosquées ; Le Siar, exécuteur des supplices.
Si l’on entre maintenant dans la maison du Pacha, on trouve encore un nombre assez considérable de fonctionnaires de l’État : L’Atchi-Bachi, cuisinier en chef, appelé à goûter en présence de son maître tous les mets qu’il fait préparer ; Le Kabou-ghorfa, chargé du service intérieur de la chambre et des appartements privés ; Le Biskri-sidna, à la fois chambellan et messager secret ; Le Kahwadji, cafetier ; Le Teurdjiman, huissier-introducteur ; Le Khodja-el-bab, portier ; Le Drogman, interprète et garde du sceau ; Le Sallak et le Bachouda, chefs de la Nouba ou garnison du palais.
Pendant que la Milice turque, animée à la fois d’une intrépidité extraordinaire et d’une cupidité servile, maintient ferme au dedans le Gouvernement algérien, la corporation des corsaires, avec son organisation, ses règlements, ses primes au brigandage, le fait redouter au dehors. C’est le meilleur appui de la Régence. Sans cartes ni boussoles, avec la seule assistance des captifs de la chrétienté qu’ils emploient dans leur arsenal, les Reïs peuvent rivaliser avec les plus habiles pilotes de l’Europe. Ici les grades sont donnés non pas à l’ancienneté, comme dans l’armée de terre, mais uniquement à la faveur. Le commandant du port, chef hiérarchique de tous les Reïs ou capitaines de vaisseaux, est le personnage le plus influent du Divan.
Le Reïs exerce sur son bord la même autorité qu’un Bey dans sa province, et jouit d’une considération d’autant plus grande queblique. Il arme quand il lui plaît, attaque qui bon lui semble, sans reconnaître davantage l’inviolabilité de la propriété que la liberté des personnes. Il s’inspire d’ailleurs du Coran en trafiquant des esclaves, et les Pachas sont impuissants à réprimer les excès de son industrie. Quand un navire rentre à Alger en remorquant son butin, on débarque les marchandises et les captifs et le Pacha prélève sa part ; puis on vend la cargaison et les esclaves sont conduits dans le Badistan, longue rue fermée à ses extrémités, et où des courtiers spéciaux font courir les captifs pour que les amateurs distinguent les robustes des invalides. La moitié du prix de vente est attribuée à l’armateur. L’autre moitié est partagée en parts ; le capitaine en a 40, l’Agha 30, les offi ciers 10, les soldats 5, les matelots 2. On peut juger par quelques chiffres de l’importance de cette société de pirates. Dès 1568, Gramaye signale 40 bâtiments algériens ; en 1581, Haëdo parle de 35 galères et de 25 brigantins ; en 1591, le nombre des galères est monté à 60 ; le P. Dan trouve à Alger 70 navires de 25 à 40 canons, « tous les mieux armés qu’il soit possible de voir ». En 1802, Hulin compte 66 bâtiments, défendus par 420 canons ; enfin, en 1815, Shaler relève encore 41 navires inscrits dans le premier port barbaresque.
Les finances de le Régence sont en bon ou mauvais état selon ce que la course rapporte au jour le jour. L’impôt est perçu sur les personnes et sur les biens, sur les professions mercantiles et sur les consommations, mais le budget s’alimente surtout par les avanies, les tributs et redevances, les présents consulaires dont on parlera plus loin, le trafic des esclaves, la capitation des Juifs, les successions vacantes, les amendes et confiscations arbitraires. D’après Laugier de Tassy, les revenus fixes s’élèvent en 1725 à 1 100 000 francs ; le casuel à 550 000 francs. Shaler nous donne plus de détails dans son tableau officiel des recettes et des dépenses pour l’année 1822. On y voit que le Bey d’Oran rapporte 75 000 francs, le Bey de Constantine 60 000, les 7 Caïds dépendant de la province d’Alger 16 000, les successions 40 000, le Bey de Titeri 4 000, le monopole des peaux 4 000, la communauté juive 6 000, la douane 20 000, le domaine 40 000, les redevances françaises pour la pêche du corail 30 000, le monopole des laines et des cires 40 000, les tributs européens 100 000. La solde des soldats est comptée dans les dépenses pour près de 800 000 francs, les armements pour 80 000. Les recettes sont évaluées à 2 500 000 francs, non compris le casuel, les dépenses à 4 000 000.
Quant à la religion et au culte des Algériens, ceux-ci conservent pour la forme l’ancien système des kalifes ; les Imans, ministres du culte, les Muphtis, docteurs de la loi, les Cadis, juges en matière religieuse, composent le tribunal appelé à sanctionner le seul code des Musulmans.
Si ces derniers représentent la juridiction spirituelle, les Souverains d’Alger jugent seuls de toutes les causes civiles ou criminelles. Leurs décisions sont toujours prises sans débats, sans délais, sans frais, sans appel. Les affaires les plus compliquées n’exigent que le temps nécessaire pour entendre les témoins. Les Turcs peuvent être condamnés soit à l’amende, soit à la dégradation ou à la bastonnade, suivant l’importance du délit. Des peines plus rigoureuses sont réservées aux chrétiens et aux Juifs, qui peuvent avoir à subir la proscription, l’amputation d’un membre, l’étranglement, le mortier, la pendaison, l’emmurement, le pal ou le bûcher.
Doit-on parler enfin du commerce d’un peuple qui demeure systématiquement rebelle à toute civilisation, chez qui l’industrie du vol est la seule qui soit protégée, et pour qui les rapports avec les étrangers sont à peu près limités au brocantage des esclaves ? Tout système régulier d’échanges est absolument impossible avec les habitants d’Alger. Bien rares sont, en effet, les armateurs disposés à courir le risque de rencontrer leurs Reïs, avant d’arriver au port, et de leur disputer la route, de ne pouvoir obtenir le payement de leurs marchandises, d’avoir à supporter des avanies, des exactions de toute nature, après avoir payé les 40 piastres de droit d’ancrage, les 12 pour cent de droit d’entrée exigés par la Régence.. | |
| | | VAM. Admin
Messages : 188 Date d'inscription : 27/07/2009 Age : 35 Localisation : Mostaganem
| Sujet: Re: Algerie turque Jeu 1 Oct - 16:32 | |
| FONDATION DE LA RÉGENCE D’ALGER 1 . Avant qu’Alger tombât sous la domination turque, son territoire, occupé tour à tour par cinq nations différentes, faisait partie de ces vastes contrées désignées, depuis Jules-César, sous le nom de Mauritanie. Il n’est devenu un État distinct qu’à partir du XVIe siècle, et, pendant cette longue période, il a été sans cesse remanié, divisé, rattaché à des royaumes voisins. Chacune des révolutions qui tourmentèrent ce pays est venue mêler des races nouvelles à la race indigène ; chaque conquête a amené avec elle une religion qui, devenue dominante, a supplanté la foi des vaincus. Et cependant, en parcourant les annales si variées de l’ancienne Afrique du Nord, on est frappé de retrouver toujours dans sa population le caractère, les moeurs, les traits principaux de ceux qui occupent encore aujourd’hui le sol, et de reconnaître chez elle les descendants de ces populations berbères qui habitèrent la Numidie longtemps avant l’ère chrétienne. Dans le rapide coup d’oeil qu’on va jeter ici sur la fondation de la Régence d’Alger et sur l’organisation de l’Odjak, on ne pourra perdre de vue l’origine de ces belliqueuses peuplades que la mauvaise fortune a toujours tenues sous le joug, en dépit des transformations successives de leur patrie.
Lorsqu’après les guerres puniques les Romains, maîtres de Carthage, fondèrent des colonies sur la côte africaine depuis les frontières de l’Égypte jusqu’à la région marocaine, ils élevèrent, dit-on, sur l’emplacement actuel d’Alger la petite ville d’Icosium. Elle dépendait de la province de Césarée, devenue depuis Cherchell, et ne devait pas tarder à devenir aussi prospère que ses voisines. Pendant plus de quatre siècles, elle demeura paisiblement soumise aux Empereurs de Rome. Envahie par les Vandales, devenus maîtres de l’Espagne, la Mauritanie césarienne fut, de l’année 429 à l’année 533, le théâtre de leurs ravages, et sur les belles cités qu’avaient fondées les Proconsuls s’étendirent la main barbare et le génie dévastateur de Genséric. Puis ce furent de nouveaux conquérants qui vinrent disputer aux Vandales cette fertile contrée que Salluste avait autrefois gouvernée. Ces derniers envahisseurs reculèrent à leur tour devant les guerriers de Bélisaire. Icosium fut rattachée, jusqu’au milieu du VIIe siècle, à l’Empire de Justinien, et fut, parmi toutes les villes de l’Afrique, des premières à jouir des bienfaits de la civilisation byzantine. A cette époque, apparaissaient déjà sur les frontières de l’Égypte les immenses tribus d’Arabes qui, sous le règne d’Omar, deuxième Kalife de l’islamisme, allaient bientôt faire irruption dans l’Afrique septentrionale. Désormais ces régions qui font face à l’Europe et qui comprennent toute la côte méditerranéenne, de Tripoli jusqu’à Tanger, allaient recevoir de leurs nouveaux maîtres la désignation vague de Magreb ; le pays de Carthage, la Numidie, les deux Mauritanies césarienne et tingitane allaient être confondus, par les héritiers du Prophète, sous la même désignation.
Seule l’Ifrikia ou province de Tunis pouvait rappeler par son nom la domination d’autrefois ; ce n’est qu’un peu plus tard que les navigateurs et les marchands chrétiens devaient faire prévaloir, pour désigner toutes ces contrées, le mot de Berbérie, puis Barbarie, qui rappelait les premiers indigènes.
Tous les progrès, tous les embellissements que l'Algérie devait aux efforts successifs des Romains et des Grecs allaient disparaître ; un ordre nouveau de faits, de croyances et d’institutions allait s’implanter chez elle. Les Arabes avancèrent de conquête en conquête jusqu’au delà des Pyrénées. Cependant, tandis que l’Espagne passait en 710 sous le joug des Ommiades, les Berbères du Magreb central se révoltaient,et les Gouverneursenvoyés par les Kalifes de Damas cédaient la place à des Cheiks vénérés par les habitants. Ceux-ci, devenus les véritables souverains du pays, le partageaient en plusieurs Principautés indépendantes, et fondaient ces dynasties qui, sous les noms d’Édrissites, d’Aghlabites, de Fathimites, devaient préserver l’Afrique de l’anarchie pendant quelques années encore. Après eux le pouvoir passait jusqu’en 1250 entre les mains des familles berbères des Zirites, des Almoravides et des Almohades; les arabes, refoulés peu à peu vers leur pays natal, devenaient impuissants à maîtriser les tribus révoltées, et, pendant un siècle et demi, toute cette partie du Magreb allait encore être troublée par les guerres incessantes de dynasties rivales.
Icosium avait changé de nom ; on l’appelait Aljezaïr, et l’historien El-Bekri avait déjà vanté la beauté de son port, la douceur de son climat, l’antiquité de ses monuments. Alors la contrée comprise entre la province de Fez et la Tripolitaine formait cinq royaumes distincts, dont les villes capitales étaient Tunis, Bougie, Tlemcen, Tenez, Aljezaïr ou communément Alger. Tunis avait déjà résisté à saint Louis, et, dans une paix relative, se livrait activement au commerce avec les armateurs de Pise, de Gênes et de Venise. Bougie, Tlemcen trafiquaient, comme leur rivale, dans presque tous les ports de la Méditerranée et se disputaient entre elles l’influence prépondérante ; Tenez guerroyait sans relâche pour augmenter son territoire ; Alger, plus humble ou plus faible, se contentait de rechercher la protection du plus fort, et prenait plus de soin de son indépendance que de sa prospérité.
Survinrent l’expulsion des Arabes de la péninsule espagnole, la chute du royaume de Grenade, le triomphe de Ferdinand et d’Isabelle, et cette glorieuse expédition dirigée sur les côtes d’Afrique par le cardinal Ximénès. Oran, Bougie étaient tombées en 1509 entre les mains de Pierre de Navarre. Presque toutes les villes du Magreb, frappées d’épouvante en présence d’un ennemi que rien ne semblait pouvoir arrêter, n’avaient pas attendu l’attaque et s’étaient déclarées les vassales de l’Espagne, en s’engageant à payer un tribut. De leur nombre était Alger. Mais ses habitants étaient loin d’accepter de gaieté de coeur jusqu’à l’apparence même de la servitude chrétienne. Ils venaient de donner asile à un grand nombre de Maures, qui avaient préféré l’exil à l’abjuration de leur foi, et l’esprit de fraternité, si commun chez les Musulmans, allait réunir ensemble pour défendre la même cause réfugiés et indigènes. Ils avaient dû souffrir que les Espagnols élevassent, sur une petite ile située vis-à-vis de leur cité, un fort muni d’artillerie, et y missent garnison pour les tenir en bride et surveiller leur marine; un tel joug ne pouvait durer. Auprès de cette foule de gens à qui la liberté du brigandage pouvait seule assurer des moyens d’existence, le premier aventurier venu pouvait jouer avec succès le rôle d’un libérateur. Le héros barbaresque, si désiré par eux, allait bientôt surgir et les venger à sa manière, en fondant la République la plus étrange que l’histoire ait jamais connue.
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